Un engin agricole du 19ème siècle

D’où vient cette pierre ?

Elle a été découverte dans les fondations de l’ancienne maison des associations en mars 2021. A la demande d’Albiniaca, elle a été préservée par le promoteur de l’opération et la mairie l’a installée dans cet espace vert pour rappeler l’histoire agricole de notre commune.

Il s’agit d’un rouleau à dépiquer, ou rouleau à battre le blé. Il a vraisemblablement été utilisé dans cette même cour à l’époque où s’y regroupaient les bâtiments de la ferme de la maison de maître – actuellement l’Accueil.

Pourquoi était-il enfoui dans les fondations de cette bâtisse ?  Sans doute a-t-on profité de travaux au début du 20ème siècle pour se défaire d’un outil que le progrès technologique avait rendu inutile…

Le rouleau à blé sur le chantier en mars 2021

A quoi servait-il ?

Battre le blé, c’est séparer les grains de la paille et pour cela, durant de nombreux siècles, on a utilisé le fléau.  Au XIXème siècle, le fléau (ou battoir) était encore utilisé dans la plupart des communes du département. C’était un travail long et éreintant qu’on pratiquait sur une aire de battage nettoyée avec soin, quelques semaines après les moissons.

Vers 1840, le dépiquage au rouleau est apparu dans nos communes, venant du sud de la France où il était utilisé depuis plusieurs années déjà : on fait sortir le grain de l'épi en le passant sous le rouleau. Ce mode de battage des céréales est moins fatigant pour l’homme car c’est un animal (mulet, cheval ou bœuf) qui tire la machine, autour d’un axe central : « Les gerbes de céréales sont disposées en spirale et posées à plat sur l'aire à battre. Quand le soleil a échauffé la paille, on commence le dépiquage par l'extérieur de l'aire en se rapprochant du centre, puis en s'éloignant et ainsi successivement, jusqu'à ce qu'on juge convenable de remuer la paille. Un seul cheval traîne cet instrument, mené par un conducteur, avec l'aide d'un ouvrier et de quatre ouvrières. On peut battre ainsi 20 hectolitres de blé par jour »[i][1].

 Il existait même des manèges avec des pierres tractées par plusieurs animaux, quatre chevaux par exemple à Cailloux sur Fontaines.

 

[1] COMPA, conservatoire agricole d’Eure et Loir.

Un rouleau prêt à être attelé (Musée de Clion/Seugne-17240.)

A-t-il été utilisé longtemps ?

En 1855, l’enquête statistique d’agriculture montre que dans l’arrondissement de Lyon, le canton de Neuville est le seul où ce type de machine est largement répandu. Au moins dix communes l’utilisent. On a déjà cité Cailloux sur Fontaines et son manège à quatre chevaux. A Curis, il n’existe « point de machine à battre proprement dite, seulement trois ou quatre pierres appelées rouleau tiré par un cheval » (Réponse à l’enquête, 18/12/1855). A Albigny pourtant on ne signale pas encore la présence d’un rouleau à battre, mais on utilise « une machine fixe mue à bras séparant le grain de la paille » (30/01/1856). Le rouleau arrivera sans doute quelques années plus tard car les nombreuses carrières fonctionnant alors dans les Monts d’Or ont favorisé l’implantation durable de ce mode de battage.

Dès 1860, les enquêtes agricoles citent l’arrivée de nouvelles machines, comme les batteuses à vapeur, dans d’autres communes du département. Mais le battage au rouleau a perduré dans les Monts d’Or : morcellement des propriétés, récoltes de blé peu importantes (prééminence de la vigne), chemins exigus et peu praticables pour les lourdes machines à vapeur, autant de raisons qui peuvent expliquer le maintien de cette technique jusqu’à l’arrivée de machines réellement plus performantes.[1]

Des exemplaires de ces rouleaux étaient encore visibles dans les jardins il y a peu d’années. Certains habitants se souviennent des deux rouleaux entreposés au début du chemin du Trou du chat avant l’aménagement de la place Ringsheim, ou plus récemment dans un jardin, avenue de la gare.

[1] RURALIA  06/2000 : Du fléau à la batteuse : battre le blé dans les campagnes lyonnaises, Renaud Gratier de Saint Louis.

Mallemort 2018: démonstration de dépiquage de blé avec un cheval. J.P. Gordini.

 

Unepetite vidéo très artisanale de la démonstration du dépiquage du blé est accessible par ce lien :

https://www.youtube.com/watch?v=-rXIRhEIpps